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Napoléon Ier - 8/14 - Napoléon et le Duel avec l'Angleterre : Illusions et Réalités

Napoléon Ier - 8/14 - Napoléon et le Duel avec l'Angleterre : Illusions et Réalités

Retrouvez l'ensemble de nos articles de blog sur la vie de Napoléon 1er pour découvrir les moments clés de son ascension et de son règne.

La Déception de Trafalgar et la Quête de la Paix

Napoléon ayant levé le camp de Boulogne pour répondre à la diversion austro-russe, il eût été naturel qu'il revînt à Boulogne une fois l'Autriche et la Russie hors de combat. Naturel si Trafalgar n'eût été qu'une contrariété. La destruction de la principale force navale de la France ne permettait plus de passer la Manche. Y renoncer, c'était avouer que la guerre navale était perdue sans recours. L'avenir fut réservé par une annonce vague : « L'empereur va reporter son attention sur sa marine, sur sa flottille et prendre toutes les mesures pour réduire l'Angleterre, si elle ne fait pas la paix ». Cette note est du 6 février 1806. Elle sera sans lendemain. Jamais Napoléon n'aura le loisir de relever sa marine du désastre de Trafalgar.

Les Illusions de Paix avec l'Angleterre

Pourtant la paix est toujours son plus grand intérêt, son plus grand besoin parce qu'elle mettrait sa monarchie à l'abri des hasards. Cette paix, que la France attend toujours, qu'elle croit acquise après Austerlitz comme elle le croyait après Marengo, comment y contraindre l'Angleterre encore plus inaccessible dans son île depuis qu'elle règne sans partage sur l'Océan ? Or voici que se lève un espoir. Napoléon rentre à Paris pour y apprendre la mort de Pitt, joyeuse nouvelle. Le plus grand ennemi de la France disparaît. Pitt et Cobourg, les patriotes de la République ont si longtemps réuni ces deux noms dans une même haine, personnifiant en eux tout ce qui s'opposait au cours de la Révolution ! Cobourg est soumis, battu, avec la maison d'Autriche. Pitt dans la tombe, la parole passe à l'Angleterre libérale, la bonne Angleterre, celle de Fox. Les Français qui, après avoir juré de ne plus jamais subir de "tyran", se sont donnés à un homme pour sortir victorieusement de la guerre, ne doutent pas que la politique anglaise ne dépende que d'un homme aussi.

L'Espoir d'une Nouvelle Paix

Il est étrange que Napoléon ait partagé cette façon de voir trop simple, cette illusion très populaire. La paix avec les Anglais, il y croit toujours. Le souvenir d'Amiens ne le quitte pas et c'est Amiens qu'il veut recommencer avec Fox. Alors, plein de confiance, il s'engage dans de vastes combinaisons, rivalise d'habileté avec les vieilles cours et les gouvernements traditionnels, sûr des cartes qu'il a en main et de son ministre des Affaires étrangères, de ce Talleyrand qui passe déjà pour le plus subtil des diplomates.

Les Obstacles à la Paix

Mais Fox, sur lequel on se méprend à force de l'avoir opposé à Pitt, est pourtant, avec un autre vocabulaire et une espèce de rondeur, comme d'un bonhomme Franklin britannique, un aristocrate, un Anglais attaché aux intérêts permanents de son pays. On parlera de tout, dans ces négociations, sauf de l'essentiel. Et Napoléon ne tarde pas à reconnaître que l'essentiel n'a pas changé. Le long et pompeux exposé de la situation de l'Empire au Corps législatif, le 5 mars, dit très bien que le but de la troisième coalition, comme des précédentes, était d'enlever à la France les bouches de l'Escaut, les places de la Meuse. « L'Angleterre porte peu d'intérêt à l'Italie : la Belgique, voilà le véritable motif de la haine qu'elle nous porte. » Pas une fois, entre Lord Yarmouth et Talleyrand, il ne sera question de la Belgique.

Les Vains Efforts de Négociation

Mais tandis que Napoléon veut encore se bercer de l'espoir d'une nouvelle paix d'Amiens, Fox, sous son apparente bonhomie, cherche seulement à démontrer qu'avec cet homme-là toute paix véritable est impossible afin de rejeter sur lui l'odieux d'une guerre dont la fin sera l'anéantissement de la puissance britannique, ou bien la renonciation de la France à ses conquêtes. Pitt l'indomptable est mort, désespéré d'Austerlitz, en s'écriant : « O ma patrie, dans quel état je te laisse ! » Fox l'humanitaire relève le flambeau.

Les Complications de la Diplomatie

L'empereur, pourtant, y met du sien. Ou plutôt il le croit. Il reprend les choses où elles en étaient à la rupture de la paix d'Amiens, et, puisqu'on avait rompu pour Malte, il laissera Malte à l'Angleterre. Comme s'il s'agissait de cette île ! Hormis les sujets brûlants dont on ne parle pas, il semble que l'on puisse s'entendre sur tout, même sur la Sicile, dépendance du royaume de Naples, quoique le roi Joseph, qui n'est pas si bien assis dans ses États, soit fort loin d'en acquérir l'annexe insulaire.

La Prusse et l'Échec Diplomatique

Du reste, en même temps qu'il négocie avec Lord Yarmouth, Talleyrand négocie avec Oubril, l'envoyé d'Alexandre. C'est la manœuvre dont il se promet le plus beau succès. Un accord avec l'Angleterre obligera la Russie à traiter et réciproquement. Il est vrai qu'il y a un détail. Pour que la Prusse n'entrât pas dans la troisième coalition, le Hanovre lui avait été promis. Il faudra le rendre à la couronne britannique. Peu importe. Si l'on s'arrange avec les Anglais et les Russes, la Prusse sera indemnisée ailleurs. Ce n'est pas la place qui manque en Allemagne.

Une Triple Négociation Compliquée

D'autre part, ce Hanovre, la Prusse y tient. Elle a mordu à l'appât. Alors, si la paix échoue avec l'Angleterre et avec la Russie, la dépouille hanovrienne répondra de la fidélité des Prussiens à l'alliance française. Ce n'est pas tout. La Prusse reste la grande favorite de l'empire napoléonien comme elle l'a été de la Révolution, et le ministre des Affaires étrangères n'est-il pas celui du Directoire ? Talleyrand n'assure-t-il pas ici la tradition et la continuité ? De très bonne foi, parce que c'est par système, on promet à la maison de Brandebourg l'héritage de la maison d'Autriche, la prééminence dans une confédération de l'Allemagne du Nord, et, par surcroît, la couronne impériale transférée des Habsbourg aux Hohenzollern.

La Fin de l'Illusion

Cette triple négociation, ces savants calculs dont la fin va être piteuse n'occupent que deux ou trois mois de l'année 1806 et du règne et n'en ont pas moins d'importance. Napoléon, après les succès "étourdissants", inattendus, d'Ulm et d'Austerlitz, qui mettent l'Europe centrale à sa discrétion, s'estime très modéré quand il offre ses conditions de paix. Il a élargi la ceinture de la France, portée à cent dix départements, pour protéger les conquêtes que la Révolution lui a léguées et qu'en montant sur le trône il a juré de défendre. Il lui paraît naturel de négocier sur cette base, tout aussi naturel qu'il paraissait déjà à la Convention et au Directoire de faire la paix avec leur carte de guerre.

L'Angleterre et la Résistance Inébranlable

D’autant plus naturel que les Anglais et les Russes affectent de marchander au sujet de la Dalmatie et de la Sicile comme si, d’Amsterdam jusqu’à Naples, le reste n'était même plus en question. Napoléon ne s'aperçoit pas du piège qui lui est tendu, qui le sera jusqu'à la fin, et qui consiste à rejeter les torts de son côté, à mettre en relief ses prétentions, à dénoncer son ambition comme un danger universel.

La Formation de la Quatrième Coalition

Tandis que l'Angleterre feint de causer, d'examiner toutes les hypothèses, elle prépare en secret une levée de boucliers, une quatrième coalition. Alors se produit un évènement que personne n'a calculé, la Prusse qui part en guerre, toute seule, et qui vient, en somme, par cette agression, déguiser l'échec mortifiant de Talleyrand, de son maître, de leur diplomatie, rappeler Napoléon à l'activité du chef de guerre et lui ouvrir de nouvelles illusions avec de nouvelles victoires.

Pour en savoir plus, retrouvez la biographie complète de l'empereur dans notre livre Napoléon de Jacques Bainville.

Illustration : La paix d'Amiens (25-27 mars 1802), ZIEGLER Jules-Claude, 1853, © Amiens métropole, Musée de Picardie - Tous droits réservés

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